1-c La presse : Lunéville Aviation

Lunéville-Aviation

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Un officier aviateur, le lieutenant de

Caumont, du 8ème dragons, vient de

Nancy à Lunéville, atterrit au

Champ de Mars et regagne

par la voie des airs

l’aérodrome de

Jarville.

  Lunéville n’a plus rien à envier à Reims par exemple, ou aux autres villes de France et d’ailleurs où les foules se sont ruées et se ruent encore pour assister aux exploits extraordinairement rapides des aviateurs.

Lunéville qui a son aérodrome tout indiqué, le Champ de Mars, a eu également son aéroplane. Eh bien qu’il ne nous ait pas été donné de voir, comme à Bétheny(Aviation, le ciel parcouru en tous sens par le vol rapide et léger d’aéroplane de tous systèmes, celui qui a bien voulu nous rendre visite est venu atterrir au Champ-de-Mars avec une telle facilité, une telle grâce légère que la foule en a été littéralement enthousiasmée.

Ajouter à cela la nouveauté et l’imprévu de ce spectacle auquel on était loin de s’attendre la matin même et vous comprendrez que la journée de lundi soit une de celles qui compteront dans les annales lunévilloises.

Mais reprenons dès le début le récit de ce sensationnel évènement.

Donc, lundi dans la matinée, le bruit courait en ville qu’un aéroplane devait venir vers le soir, atterrir au Champ-de-Mars. Ce fut d’abord une rumeur vague, imprécise, qui fit rapidement son chemin et comme une trainée de poudre se répandit par toute la ville. Partout, dans les rues, aux ateliers, dans les usines, on ne parlait plus que de l’arrivée probable d’un homme-oiseau venant de Nancy.

Les renseignements prirent corps et se précisèrent. Le nom de l’aviateur fut bientôt connu, c’était le lieutenant de Caumont, du 8ème dragons, désigné il y a quelques temps pour prendre part aux expériences d’aviation militaire, en qualité d’officiers pilote et qui, arrivé de la veille à Nancy, avait projeté de venir sur son biplan Sommer, rendre visite à ses camarades de la garnison.

L’heure de son arrivée était également fixée. L’officier-aviateur devait apparaître à l’horizon entre quatre et cinq heures et prendre terre au Champ-de-Mars.

Ces renseignements provenant de dépêches privées étaient des plus sérieux et l’on pouvait y ajouter foi. Car il faut bien le dire, cette nouvelle avait été d’abord accueillie par beaucoup de concitoyen avec un certain scepticisme.

Mais comme ce bruit  avait été ensuite confirmé par d’autres dépêches détaillées et de source autorisée, on eut bientôt la conviction que cette nouvelle n’était pas comme on pouvait le croire «un vaste bateau»

Aussi, dès trois heures  ou trois et demie, les curieux commençaient-ils à affluer aux Bosquets dont le parapet fit bientôt garni comme au 14 juillet et sur tout le pourtour du Champ-de-Mars.

Comment garder quelqu’un à l’usine ou à l’atelier, alors qu’un aéroplane est annoncé pour tout à l’heure, qu’il est presque sûr qu’il va venir et que ce spectacle constitue pour la grande majorité la plus inédite des attractions.

Aussi, as t-on donné «campo» presque partout : ouvriers et ouvrières, brodeuses, couturières, etc. etc. se sont hâtés de quitter le travail, abandonnant le marteau, le crochet ou l’aiguille pour courir au Champ-de-Mars.

Il n’y a que les Wagons ou c’est le jour de paie, seule raison  suffisante pour retarder les ouvriers. Mais on va les voir venir en masse tout à l’heure à la sortie.

Des marchands de vins avisés avaient installé des tables dans la rue et devant les cannettes de bière, les commentaires allaient leur train.

Cependant, les minutes s’écoulent. Quatre heure sont sonnées depuis longtemps et l’on ne voit rien apparaître.

Mais le temps semble favorable. Dan le ciel, les masses blanches des nuages paraissent immobiles. Seule, une légère brise agite le feuillage des arbres et l’on garde confiance. Il ne reste à craindre que la fâcheuse panne de moteur, immobilisant l’appareil et empêchant toute envolée.

Mais le quart après cinq heure va sonner, lorsque les spectateurs munis de puissantes jumelles poussent des cris «Le voilà, le voilà» En effet, c’est bien lui. L’officier aviateur arrive, fidèle au rendez-vous.

Alors, c’est une rumeur qui s’enfle et s’étend au fur et à mesure que l’aéroplane avançant à l’horizon devient visible à l’oeil nu. Là-bas, dans le lointain, la petite tâche légère grossit à vue d’œil, arrivant au-dessus du Château, par le côté des Bosquets d’oû on ne l’attendait pas. On croyait en effet le voir apparaître plutôt au-dessus de la Vezouze.

Les spectateurs postés sur le parapet ne voient rien encore, mais ils entendent comme tout le monde le ronflement régulier du moteur annonçant l’arrivée rapide de l’aéroplane.

Le gigantesque oiseau de toile et de bois passe enfin la dernière ligne des arbres des Bosquets, en bordure du Champ-de-Mars et apparaît en plein ciel, visible pour tous les spectateurs qui poussent d’enthousiastes acclamations.

Cependant, l’aviateur s’éloigne vers le fond du terrain de manœuvre et après- avoir décrit un large et impressionnant virage qui l’amène au-dessus des casernes, il descend tout à coup par le travers du Champ-de-Mars et vient atterrir doucement comme un oiseau qui se pose à cent mètres environ du coin du parapet près de la Ménagerie.

Alors les acclamations redoublent, la foule se précipite de toutes parts  vers l’aéroplane, pour contempler de plus près l’aviateur et l’appareil.

Une chaleureuse ovation est faite à l’officier qui descend très calme de son biplan dont il vient d’arrêter le moteur.

Pendant que des soldats écartent un peu la foule, les camarades, les amis du lieutenant de Caumont, les officiers ses supérieurs, le général de Mas-Latrie s’empressent autour de lui et le félicitent sincèrement de sa magnifique envolée et de son impressionnant atterrissage.

Pendant que l’aviateur qui se déclare enchanté de son voyage, se rend accompagné ………..

«Cottage» puis  ensuite  au Cercle militaire où l’on sabla le champagne, en l’honneur de sa visite accomplie d’une façon, il fau le reconnaître, peu banale. L’aéroplane, est resté sur le Champ-de-Mars, toujours entouré d’un nombreux cordon de spectateurs.

Il y a en effet une question qui préoccupe très vivement, et cela se comprend, les Lunévillois qui ont assisté à l’arrivée de l’aviateur, c’est de savoir s’il va repartir immédiatement par la voie des airs et leur procurer des émotions d’un sensationnel départ comme il leur a procuré celles d’une magnifique arrivée.

Ils apprennent bientôt qu’ils vont avoir satisfaction et que le lieutenant de Caumont va se remettre en route pour Jarville, à six heures et demie.

En effet, vers cette heure là, l’officier aviateur qui vient de passer l’inspection de son appareil et de constater que rien ne cloche, grimpe dans son biplan et s’installe sur le siège au milieu des cris enthousiastes de la foule qui lui fait une second ovation.

Le moteur est mis en marche. La fumée de l’échappement, brusquement soufflée au visage des assistants placés près de l’appareil, les fait s’écarter rapidement au milieu des rires de ceux qui n’ont pas été atteints. L’hélice commence à tourner à toute vitesse, l’aéroplane s’élance, et, après avoir roulé pendant une vingtaine de mètres sur le sol, il s’élève, docile aux leviers manœuvrés par l’aviateur et monte sans secousse, sans flottement, atteignant une altitude de 80 à 100 mètres.

Comme à l’arrivée, il s’éloigne vers le fond du Champ-de-Mars et, décrivant son virage au-dessus de la route de Blamont, il revient en vitesse vers la foule qui l’acclame au passage.

Puis il s’éloigne, passant au-dessus de la Vezouze et disparaît  bientôt du côté d’où on espérait le voir arriver.

Nos concitoyens témoins de ce magnifique départ, qui fit sur eux une impression non moins vive que la splendide arrivée de tout à l’heure, cherchent à suivre des yeux le plus longtemps possible le léger biplan qui décroit et s’efface rapidement à l’horizon.

Puis la foule s’écoule lentement en faisant  force commentaire et encore sous le coup des émotions fortes qu’elle vient d’éprouver depuis la venue de l’officier aviateur.

Ainsi finit la demi-journée d’aviation de Lunéville, journée non prévue au programme du circuit, et qui pour être imprévue n’en a fait que plus de plaisir à nos concitoyens.

 

La veille, dimanche, le lieutenant de Caumont participait au «circuit de l’est», partant d’Issy les Moulineaux, et s’est classé 3ème en arrivant au but : Nancy,

(sachant qu’il était seul aux commandes, alors que les 2 concurrents devant lui avais un guide à bord) 6 autres concurrents sont arrivés à a Troyes.